Résumé:
Contexte: La rhabdomyolyse est un syndrome causé par une lyse des cellules
musculaires squelettiques entraînant la libération de grandes quantités d'éléments
intracellulaires dans la circulation générale, menaçant ainsi la fonction rénale et la
fonction cardiaque. Ses principales étiologies sont les traumatismes graves, l'ischémie,
les interventions chirurgicales et la toxicomanie. Son diagnostic repose sur le dosage
d’enzymes musculaires notamment la CPK. L’insuffisance rénale aiguë, l’hyperkaliémie,
et le syndrome des loges représentent les complications majeures de la rhabdomyolyse.
Ces complications sont à l’origine d’une mortalité accrue en milieu hospitalier. À l’heure
actuelle, l’incidence de l’IRA survenant au cours de la rhabdomyolyse n’est pas estimer
avec précision, et les marqueurs qui pourraient prédire sa survenue sont encore des
sujets à controverse.
Objectif : Nous avons cherché à déterminer l’incidence de l’insuffisance rénale aigue
secondaire à la rhabdomyolyse chez les patients polytraumatisés, et à déterminer son
impact pronostique sur la mortalité et la durée d’hospitalisation, et à identifier des
marqueurs biologiques capables de prédire l’IRA et la mortalité à l’admission.
Méthodes : étude cohorte prospective incluant des patients admis au service des
urgences médico-chirurgicales du CHU Frantz entre Décembre 2021 et Juin 2022 pour
rhabdomyolyse traumatique. Un bilan biologique a été fait à l’admission des patients
comprenant les paramètres suivants : (créatininémie, CPK, calcium, phosphore et
bicarbonate), la durée maximale de suivis était 60 jours. Une analyse de la courbe de
survie et de la courbe ROC a été effectuée.
Résultats : l’IRA est survenue chez 16 patients (24.6%). 17 patients (27.9 %) ont eu des
complications cardiaques et 19 patients (29.2 %) sont décédés. Des marqueurs pronostic
de l’IRA ont été identifiés par le biais d’une analyse bi-variée, la créatininémie initiale
(p=0.003), et les globules blancs (p=0.003). Le score McMahon calculé à l’admission a pu
prédire l’IRA à partir d’une valeur de 6 avec une sensibilité de 63% et une spécificité de
90% (p=0.001), il a pu prédire aussi la mortalité à partir d’une valeur de 5 avec une
sensibilité de 68% et une spécificité de 67% (p=0.025). Le taux de mortalité était plus
élevé chez patients avec IRA. Les marqueurs prédicteurs de la mortalité étaient la
troponine (p<0.0001) et les globules blancs (p=0.001).
Conclusion : l’incidence de l’IRA secondaire à la rhabdomyolyse n’est pas estimée avec
précision dans la littérature, car elle est basée sur des études hétérogènes vis-à-vis des
populations et des étiologies sous jacentes. Cependant, une surveillance biologique et
clinique étroite ainsi qu’une prise en charge précoce et efficace permettraient dans une
certaine mesure d’éviter ses complications fatales.
Abstract
Context: Rhabdomyolysis is a syndrome caused by lysis of skeletal muscle cells leading
to the release of large amounts of intracellular elements into the general circulation,
threatening renal and cardiac function. Its main etiologies are severe trauma, ischemia,
surgery and toxic substances. Its diagnosis is based on the determination of muscle
enzymes, particularly CPK. Acute renal failure, hyperkalemia, and compartment
syndrome are the major complications of rhabdomyolysis. These complications are the
cause of high hospital mortality. At present, the incidence of AKI occurring during
rhabdomyolysis is not accurately estimated, and markers that could predict its
occurrence are still controversial.
Objective: We sought to determine the incidence of acute renal failure secondary to
rhabdomyolysis in polytrauma patients, and to determine its prognostic impact on
mortality and hospital duration, and to identify biological markers that might predict
AKI and mortality at admission.
Materials and methods: Prospective cohort study including patients admitted to the
medical-surgical emergency department of the UHC Frantz Fanon between December
2021 and June 2022 for traumatic rhabdomyolysis. A biological analysis was performed
on admission of the patients including the following parameters: (creatininemia, CPK,
calcium, phosphorus and bicarbonate), the maximum duration of follow-up was 60 days.
A survival curve and ROC curve analysis was performed.
Results: acute renal failure (ARF) occurred to 16 patients (24.6%). 17 patients (27.9%)
had cardiac complications and 19 patients (29.2%) died. Prognostic markers of AKI were
identified by bi-variate analysis, initial creatinine (p=0.003), and white blood cells
(p=0.003). The McMahon score calculated at admission was able to predict AKI from a
value of 6 with a sensitivity of 63% and a specificity of 90% (p=0.001), it was also able to
predict mortality from a value of 5 with a sensitivity of 68% and a specificity of 67%
(p=0.025). The mortality rate was higher in patients with ARF. The predictive markers
of mortality were troponin (p<0.0001) and white blood cells (p=0.001).
Conclusion: The incidence of ARF secondary to rhabdomyolysis is not accurately
estimated in the literature, as it is based on heterogeneous studies in regards to
populations and underlying etiologies. However, close biological and clinical monitoring
as well as early and effective management would to some extent prevent its fatal
complications.