Résumé:
L'enthésite périphérique est la lésion spécifique des SpA, elle fait partie des items
importants de la classification des SpA selon les critères ASAS. Elle a une distribution
ubiquitaire et peut toucher n'importe quel site avec une plus grande affinité pour les
enthèses des membres inférieurs. Elle peut être responsable de douleurs et d'un handicap
fonctionnel pouvant aller jusqu'au confinement au lit. L'examen échographique est
supérieur à l'examen clinique dans la détection de l'enthésite périphérique. Plusieurs
scores cliniques et échographiques ont été créés pour une évaluation plus objective de
cette atteinte. Ses prévalences clinique et échographique dans la SpA varient en fonction
du système de classification utilisé pour définir la pathologie, de la population étudiée,
des définitions de l'enthésite clinique ou échographique utilisées et enfin du nombre de
sites anatomiques évalués. Ainsi, les données de la littérature concernant l'estimation des
prévalences cliniques ou échographiques de l'enthésite périphérique dans les SpA sont
variables, la plupart étant issues d'études réalisées sur des populations européennes ou
originaires d'Amérique différentes de notre population sur le plan génétique et
environnemental. Une nouvelle définition échographique de l'enthésite périphérique a
été publiée par l'OMERACT en 2014 et toutes les études ayant estimé la prévalence
échographique de l'enthésite périphérique étaient antérieures à cette définition.
L'objectif de notre étude a été d'estimer, dans une cohorte Algérienne de SpA, la
fréquence clinique et échographique de l'enthésite périphérique en utilisant les critères
ASAS de classification des SpA et la nouvelle définition échographique de l'OMERACT 2014
de l'enthésite périphérique.
Deux cent huit patients ont été inclus, les caractéristiques de cette cohorte se sont
révélées intéressantes pour l'étude et l'estimation de l'atteinte enthésitique. D'abord, la
population était jeune avec 78 % de patients âgés de moins de 50 ans, ce qui facilite la
confirmation du caractère inflammatoire de l'enthésite en rapport avec la maladie et de
minimiser l'intrication avec d'éventuelles enthésopathies mécaniques qui deviennent plus
fréquentes à partir de cet âge. D'autant plus que jusqu'à présent, il est encore difficile de
différencier les enthésites inflammatoire des enthésopathies mécaniques que ce soit sur
le plan clinique ou même échographique.
La forme précoce (évoluant depuis moins de 5 ans) a été retrouvée dans 30% des
cas et plus de 80% des patients avaient une maladie active. De même, les deux
phénotypes cliniques ont été trouvés à des fréquences appréciables (30% pour le
phénotype périphérique). Le fait de ne pas avoir inclus des SpA axiales non
radiographiques ne nous permettra pas d'extrapoler les résultats à cette catégorie de
patients, ni même aux SpA périphériques enthésitiques qui ne représentaient que 1,5 %
des cas. La même remarque est applicable pour les autres groupes pathogéniques en
dehors de la SA puisqu'ils ne représentaient que 16% pour le rhumatisme des MICI et 13%
pour le rhumatisme psoriasique et moins de 10% pour les autres. La coxite radiographique
a été mise en évidence chez un patient sur deux, ce qui confirme la sévérité des SpA dans
notre population
La fréquence clinique de l'enthésite périphérique a été estimée à 45 %, ce qui
souligne l'importance de cette atteinte qu'il faudra rechercher systématiquement par un
interrogatoire ciblé et un examen clinique standardisé pour un diagnostic précoce. Cette
fréquence clinique a été influencée par le phénotype clinique de la SpA, puisqu'elle a été
significativement plus fréquente dans les spondyloarthrites périphériques. Ce dernier
point est expliqué par le fait que dans les SpA périphériques toutes les enthésites sont
prises en compte dans les critères de classification alors que dans les SpA axiales, seule
l'enthésite du talon est prise en compte. Par contre, cette fréquence clinique n'a pas été
influencée ni par les groupes pathogéniques, ni par la durée d'évolution de la maladie.
La fréquence échographique de l'enthésite périphérique estimée à 86 % confirme
la supériorité de l'échographie par rapport à l'examen clinique dans le dépistage et le
diagnostic de cette atteinte. Cette fréquence échographique n'a pas été influencée par le
phénotype clinique de la SpA, même si la fréquence clinique a été différente entre les
deux groupes. Elle n'a pas été influencée non plus par les groupes pathogéniques et la
durée d'évolution de la maladie.
Cliniquement, à l'échelle du patient et à l'échelle de l'enthèse, les sites les plus
touchés ont été par ordre de fréquence : l'épicondyle latéral ensuite la coiffe des
rotateurs de l'épaule puis le tendon calcanéen et l'aponévrose plantaire. Sur le plan
échographique, les sites les plus touchés à l'échelle du patient sont le tendon calcanéen
ensuite le quadricipital, le supra-?épineux et l'aponévrose plantaire. A l'échelle de l'enthèse
c'est le tendon calcanéen suivi du quadricipital et du sus-?épineux suivi par le moyen
glutéal et enfin par l'aponévrose plantaire. Le tendon calcanéen et l'aponévrose plantaire
ont été les plus fréquemment atteints lors de toutes ces évaluations et ce sont ces deux
sites que nous retiendrons pour l'évaluation systématique de l'atteinte de l'enthèse. Pour
les enthèses de l'épaule, nous avons déjà expliqué que nous ne les prendrons pas en
compte vu que les lésions échographiques élémentaires sont à type d'épaississement ou
d'hypoéchogénicité mais surtout d'érosions sachant que toutes les dimensions ont été
incluses même celles inférieures à 2 mm qui peuvent exister chez le sujet sain et
représentent 60 à 70 % des érosions identifiées.
Les scores échographiques de l'enthésite périphérique calculés dans notre étude
sont indépendants du phénotype clinique de la SpA, du groupe pathogénique de la SpA et
de sa durée d'évolution ; ceci montre bien leur utilité dans l'évaluation de cette atteinte
quelque soit le phénotype, le groupe pathogénique et la durée d'évolution de la SpA. Le
score SES, qui explore le tendon achilléen et l'aponévrose plantaire (les deux sites les plus
atteints) permet un gain de temps important, a été significativement plus fréquemment
en faveur du diagnostic de SpA comparé au MASEI. Pour toutes ces raisons, nous pensons
que le SES est plus intéressant à réaliser systématiquement pour le diagnostic précoce et
le suivi de la maladie.